LES FORMES D'ABLATION MOYENNES :

LES SILLONS GLACIAIRES MARGINAUX
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Les sillons glaciaires marginaux sont des formes propres à la haute et à la moyenne montagne qui, à notre connaissance, n'ont pas été signalées jusqu'à présent. Cette page résulte donc uniquement de nos recherches personnelles.
Ces sillons se situent sur des arêtes, des contreforts faisant saillie sur les flancs des vallées ( sillons d’épaulement ) ainsi qu’à certains cols qui ont vu passer une diffluence ( sillons de diffluence ).
Il existe également des sillons de pente, dont nous parlerons plus loin.


EMPLACEMENT DES SILLONS MARGINAUX
D'EPAULEMENT ET DE DIFFLUENCE


Les vallées glaciaires présentent fréquemment, au-dessus du rebord d'auge, des épaulements moins inclinés que les flancs de l'auge.


On reverra utilement ici l'exemple de la vallée du Glandon

C'est sur ces surfaces peu inclinées que l’on rencontre souvent
les sillons d'épaulement, qui peuvent se présenter sous deux formes :

- des sillons rocheux. Il s'agit de courtes gorges, de longueur décamétrique à hectométrique, aux flancs rocheux abrupts; ce sont parfois de véritables petits canyons. Leur largeur va de quelques mètres à plusieurs dizaines de mètres, et dans ce cas, quelques maisons peuvent s’y abriter ( La Chambotte, Savoie ). Ces sillons rocheux sont des formes d’ablation.
Quelques exemples : Le col sous Pied Moutet ( Isère ), les Rochers du Chatelard, au-dessus de Séchilienne (Isère), les Déserts de Jean-Jacques Rousseau et de l’Écureuil, près de Grenoble.

N'oublions pas celui, particulièrement instructif, du Pas d'Anna Falque (Hautes-Alpes) .



Sillons rocheux du col sous Pied Moutet.
Ces sillons se situent au col
(2058 m) à la base du versant est de Pied Moutet ( Vallée du Vénéon, Isère ).
Des blocs erratiques de roches allochtones ainsi que des stries confirment le passage du glacier.
Les flèches indiquent le sens de circulation de la glace ( diffluence du glacier du Vénéon vers celui de la Romanche ).


Sillons rocheux des Rochers du Chatelard ( Vallée de la Romanche, Isère ), au sud de la station de Chamrousse.
Altitude 1350 m.
Vue aérienne.
Le passage du glacier de la Romanche par dessus l'arête ( flèches ) a creusé un grand nombre de sillons ( déjà signalés par G. Monjuvent ).



Les sillons rocheux les plus étonnants - car nous pensons qu'il s'agit bien là de sillons rocheux d'origine glaciaire - sont ceux du site bien connu de la presqu'ile de Duingt, qui barre en partie le lac d'Annecy (Haute-Savoie)


Le château de Duingt est séparé de la terre ferme par une passe de faible profondeur.
L'épaulement qui constitue la presqu'île de Duingt est entaillé de trois sillons, marqués ici par des flèches.
L'un d'eux constitue la passe qui isole le château, un autre est occupé par la route. Enfin, la flèche tiretée signale un dernier sillon, immergé celui-là par 15 m de profondeur.
Qu'on ne s'imagine pas toutefois que ces sillons se situent tout au fond de la vallée : le lac présente ici, en effet, une profondeur d'une soixantaine de mètres et, sous le remplissage de sédiments, le fond d'auge est encore bien plus bas.

Ces deux photos proviennent du site Internet d'Annecy - météo
www.annecy-meteo.com/fr/meteo.html


L'analogie de situation entre les sillons rocheux et les ravines - de diffluence ou d'épaulement - donne à penser que ces formes d'érosion ont la même origine : écoulement d'eaux glaciaires sur les marges d'un glacier.
Les ravines se rencontreraient dans des terrains peu résistants à l'érosion, tandis que les sillons rocheux se formeraient dans des terrains plus compétents, plus résistants.
Voir à ce sujet la page les ravines marginales.


- des sillons vallonnés, petits vallons séparés par des bourrelets allongés, également de longueur décamétrique à hectométrique. Les bourrelets, souvent modelés en dos de baleine, sont formés en général de dépôts morainiques.
Exemples : le Queyron ( Hautes-Alpes ), les Sures, au-dessus d’Auris-en Oisans ( Isère ), la Marionnaise, sous le col du Lautaret ( Hautes-Alpes ).

Sillons vallonnés des Sures (Auris-en-Oisans, Isère). De nombreux sillons montrent un écoulement de glace du glacier de la Romanche en direction de l'ombilic du Bourg d'Oisans, ce que confirme la présence de roches allochtones.
Altitude 1875 m.
Les flèches blanches indiquent le sens de progression de la glace.
Au second plan, le sommet de Pied Moutet.
A l'arrière-plan :
1 = Tête des Fétoules - 2 = Tête de Lauranoure - 3 = Roche de la Muzelle - 4 = Le Rochail.
de En A, les sillons rocheux du col sous Pied Moutet.
En B, un site de sillons vallonnés, celui de la Chalp.



se
Sillons vallonnés de la Côte Névachaise ( vallée du col de l'Échelle, Hautes-Alpes ).
Ces sillons, sensiblement perpendiculaires à l'arête, montrent un écoulement de la glace de France en Italie, que corrobore la présence de cannelures de même orientation au sommet de la Côte.
La glace atteignait la base des aiguilles de calcaire dolomitique. Les flèches indiquent le cheminement de la glace.

Dans les éboulis, des formes caractéristiques de l'écoulement en nappe des pierrailles gorgées d’eau lors des gros orages.

Sillons vallonnés de la Marionnaise, sur le versant briançonnais du col du Lautaret (Hautes-Alpes).
En fin de glaciation würmienne, la diffluence du glacier de la Romanche par le Lautaret a cessé ; le glacier de Roche Noire, venant de la gauche, a alors modelé ces sillons proches, de sillons de pente (voir ci-dessous).


Les sillons vallonnés sont souvent associés aux sillons rocheux, qu'ils masquent parfois.
Toutes les arêtes en saillie sur les versants d'une vallée ne portent pas de sillons.
Il faut sans doute pour cela que l'orientation des plans de faiblesse de la roche (failles, diaclases, strates) s'y prête.


On rencontre également parfois des sillons de pente.
D'allure assez voisine des sillons vallonnés, ces sillons de pente sont situés sur le versant de cols qui furent franchis par les glaciers, du côté aval de l'écoulement de glace.


Au nord de Bourg-Saint-Maurice, sur l'arête qui porte les villages des Echines, voici des sillons de pente situés sur le versant sud d'un petit col, au lieu-dit Plan de la Bataille, à l'altitude 1886 m, donc largement franchi par le glacier de l'Isère.
En voici d'autres, cette fois au-dessus d' Ugine, sur le versant sud du col de l'Arpettaz.
A 1581 m, ce col, au maximum de la glaciation, était recouvert de plus de 200 mètres de glace.


On notera les formes arrondies de ces sillons, qui permettent de les distinguer, tant des ravins d'érosion régressive que des ravines de diffluence, aux formes beaucoup plus agressives.

Au contraire des sillons de pente, les ravins d'érosion régressive sont séparés par des interfluves larges et plats tels ceux-ci, situés un peu au nord du col de l'Arpettaz.


Mais ce n'est pas tout, car il faut encore mentionner d'autre formes particuliérement intéressantes, les ravines de diffluence......




COMMENT IDENTIFIER LES SILLONS MARGINAUX
Sillons rocheux et sillons vallonnés sont de courtes vallées mortes, de longueur décamétrique à hectométrique,qui échancrent, au-dessus du rebord d'auge, certaines arêtes en saillie sur le flanc de la vallée.

Leur fond est à peu près horizontal ; les sillons rocheux, quant à eux, peuvent se prolonger parfois dans les pentes coté amont et coté aval de l'arête .

Ils se groupent sur un même site en nombre compris entre trois et une dizaine, voire plus.



Les sillons d'épaulement composant un site sont sensiblement parallèles entre eux et au thalweg de la vallée principale, donc à peu près perpendiculaires à l'arête qui les porte.

Tous les sillons sont dépourvus de bassin de réception susceptible d'avoir collecté les eaux pluviales, leur tracé horizontal montrant d'ailleurs qu'il ne s'agit pas de formes torrentielles.

Ils se situent tous sur des épaulements de pente égale ou inférieure à 21%.

De petits lacs ou des marais se nichent fréquemment au creux des vallons et des gorges.



Les mêmes critères peuvent être utilisés pour identifier les sillons de diffluence, en tenant compte du fait que ceux-ci se situent à des cols où l'arête est à peu près horizontale


Quant aux sillons de pente, ils sont assez semblables aux sillons vallonnés, mais se situent sur un versant d'un col, du côté aval de l'écoulement de glace.
Ils semblent ne pas prolonger systématiquement des sillons vallonnés situés au même col.



On peut enfin remarquer que presque tous les cols des Alpes qui ont vu passer une diffluence présentent des sillons : cols du Sabot, du Couard, du Lautaret, du Grand Cucheron, du Granier, de la Madeleine, etc.



L’étude des cartes IGN au 1/25 000 permet souvent de présumer de l’existence d’un site de sillons, qu’il est nécessaire, bien entendu, de contrôler par une reconnaissance sur le terrain.
Il est remarquable de constater que, dans tous les cas où nous avons pu reconnaître un site sur place, le nombre de sillons s’est révélé beaucoup plus grand que ne l’avait laissé supposer l’examen de la carte, toujours simplificatrice.


Origine des sillons et de leur dénomination