QUELLE PEUT ÊTRE L'ORIGINE DES SILLONS GLACIAIRES MARGINAUX ?
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L'origine des sillons rocheux peut constituer matière à discussion : on peut penser que c'est la glace - ou plutôt, bien entendu, les éléments rocheux qu'elle contenait - qui a façonné ces petits canyons.
Les cannelures et les roches moutonnées que l'on rencontre parfois sur leurs flancs montre bien qu'ils ont été empruntés par la glace, tout au moins en phase finale du passage de celle-ci, avant disparition du glacier, ainsi que le montre la présence fréquente de petits lacs et de tourbières.
Mais une autre origine nous semble plus vraisemblable : nous appuyant sur l'exemple des sillons rocheux du Pas d'Anna Falque (Hautes-Alpes), nous estimons que c'est le passage des eaux glaciaires, circulant à 100 ou 150 m sous la surface du glacier, qui les a façonnés.
On trouvera ici la justification de cette assertion.
Les bourrelets situés entre les sillons vallonnés semblent, quant à eux, être formés en général de dépôts glaciaires.
L'analogie de forme de la plupart de ces bourrelets avec des drumlins peut laisser penser qu'ils pourraient, eux aussi, être dus à des perturbations dans l'écoulement de la glace au passage d’un épaulement ou d'un col.
Toutefois, si leur forme se rapproche effectivement de celle des drumlins, leurs situations dans les vallées sont nettement différentes:
- Les drumlins se rencontrent sur le fond de la vallée et sont en général considérés comme un épaississement local de la moraine de fond.
- Les bourrelets, par contre, se situent près de la surface du glacier et très loin de cette moraine de fond.
Toutefois, l'existence des sillons de pente
nous amène à privilégier une autre hypothèse.
Au nord de Bourg-Saint-Maurice, sur l'arête qui porte les villages des Echines, voici des sillons de pente situés sur le versant sud d'un petit col, au lieu-dit Plan de la Bataille, à l'altitude 1886 m, donc largement franchi par le glacier de l'Isère.
Plaçons-nous au maximum d'une glaciation .
La surface du glacier se situe alors, nous l'avons dit, à quelques dizaines de mètres au-dessus de la partie supérieure des épaulements.
On observe fréquemment, en effet, sur les ressauts plus inclinés qui les dominent, des stries ou des roches moutonnées, fait confirmé d'ailleurs par les observations de chercheurs suisses.
Pour fixer les idées, nous avons adopté dans toute notre étude le chiffre de 50 mètres, valeur qui dépend sans doute de facteurs locaux et qui ne constitue, bien entendu, qu'une valeur moyenne approximative.
À ce moment, l'épaulement est noyé sous la glace et aucun dépôt ne peut s'y produire, non plus que sur les pentes qui le dominent, compte tenu de leur raideur.
De toute manière, d'éventuels dépôts sur ces pentes supérieures auraient été emportés par l'érosion postglaciaire.
Puis le niveau des glaciers baisse et atteint celui du rebord d'auge.
Une moraine peut alors se déposer sur l'épaulement lui-même si ses dimensions sont suffisantes.
Des dépôts peuvent également se produire sur le flanc aval de l'épaulement si la pente du terrain n'y est pas trop importante.
En dehors des eaux de fonte du glacier lui-même, d'autres écoulements, moins importants, se produisent près des rives, provenant de la fonte des névés latéraux et de petits torrents estivaux.
Ces écoulements de surface creusent alors des sillons dans les dépôts qui recouvrent l'épaulement ainsi que, dans certains cas, son versant aval, donnant ainsi naissance à des sillons de pente.
Ainsi peut s'expliquer la formation des sillons marginaux d'épaulement et de pente.
Les mêmes phénomènes peuvent se rencontrer au franchissement d'un col de diffluence, donnant naissance cette fois aux sillons de diffluence.
Ce mode de formation est finalement assez voisin de celui qui a donné naissance aux chenaux radiaux des moraines de l'avant-pays alpin.
Un chenal radial creusé dans la moraine frontale d'un stade de repli du glacier de l'Isère, dans les environs de Voiron (Isère).
La flèche indique le sens de circulation des eaux de fonte.