Les Paysages Glaciaires dans les montagnes, étude de géomorphologie glaciaire : les vallées
LES FORMES D'ABLATION MAJEURES :

LES VALLEES GLACIAIRES
55

PROFIL EN TRAVERS

Les vallées glaciaires sont particulièrement originales.
Par leur profil en travers, tout d'abord.

Nous avons tous appris jadis qu'une vallée glaciaire avait la forme d'un U, au contraire d' une vallée fluviale, taillée en V.
La réalité n'est pas aussi tranchée, nous allons le voir.
Mais auparavant, bien entendu, comme dans le cas des cirques, notons qu'il convient, pour retrouver la pureté de formes que présentait une vallée juste après la disparition des glaces, de faire abstraction des garnissages ultérieurs formés par les éboulis des versants ou les alluvions postglaciaires.
Ces derniers peuvent d'ailleurs être très épais lorsque, juste après sa disparition, le glacier a été remplacé par un lac, aujourd'hui comblé.




La vallée, une fois dégagée, par la pensée, de ces formations postglaciaires, présente effectivement, parfois, une section en U, une auge à fond plat.
Mais en général, les flancs de l'auge sont inclinés et souvent même, le fond d'auge manque, la vallée prenant une forme en V.
En simplifiant beaucoup, on peut dire que les vallées présentent une forme en auge à flancs subverticaux lorsqu’elles sont taillées dans des roches cristallines dures et une forme en V dans le cas de roches plus tendres.
On note même que les versants présentent des pentes plus soutenues dans les granites que dans les gneiss qui présentent une foliation. Lorsque les deux rives de la vallée sont formées de terrains de dureté différente, le profil est franchement dissymétrique.


Une vallée glaciaire typique, celle du Bout du Monde ( Vallée du Giffre, Sixt-Fer-à-Cheval, Haute-Savoie ), bel exemple d'auge symétrique.....


..... au contraire du Val Ferret Italien (Val d'Aoste), en auge dissymétrique, creusé :
- rive gauche (à gauche de la photo) dans des marnes tendres liasiques et crétacées
- rive droite dans le granite du Mont-Blanc.
Au centre de la photo se devine, vers la gauche, l'entaille de la Doire Baltée vers Courmayeur.


Le Grésivaudan présente également deux versants dissymétriques : sa rive gauche s’élève en pente relativement douce dans les marnes tendres, au contraire de la rive droite, où les calcaires compacts se redressent en falaises.

D'autres exemples de vallées glaciaires

En réalité, ce qui, dans nos montagnes, caractérise le mieux les vallées glaciaires, c’est la présence de rebords d’auges et d’épaulements.
Qu’ils soient verticaux ou inclinés, les flancs d’une vallée glaciaire s’élèvent en effet souvent jusqu’à une rupture de pente, le rebord d’auge, au-dessus de laquelle les pentes s’adoucissent et forment des épaulements.




Profil caractéristique d'une vallée glaciaire.
L'auge peut présenter une section en U ou en V.
Il est important de noter que, contrairement à une idée très répandue, la surface du glacier, au maximum des glaciations, ne s’établissait pas au niveau du rebord d'auge, mais qu'elle le dépassait de 100 à 150 m, ainsi que le montre la présence quasi générale sur l'épaulement de dépôts morainiques, de roches moutonnées, de stries et de sillons marginaux d'épaulement.
La glace s'élevait approximativement à une cinquantaine de mètres au dessus du sommet de l'épaulement.
On peut rencontrer, chose assez rare toutefois, des épaulements situés nettement plus bas ; ceci est dû à l'action, lorsque la roche s'y prête, de stades de retrait.


Un bel exemple, le versant nord du col du Glandon (Savoie).

Nous sommes ici sur la route qui descend la vallée du Glandon vers celle de l'Arc.
La vallée affluente, en face de nous, est la Combe de la Croix, qui draine le versant nord des Aiguilles de l'Argentière ( les sommets de gauche ).
La vallée principale, celle du Glandon, était parcourue par un important glacier, provenant du massif des Grandes Rousses par une diffluence, passant par le col du Glandon, qui s'écoulait de gauche à droite de la photo selon la flèche bleue.
La forme en U de la vallée affluente, avec ses flancs d'auge et ses épaulements est bien visible.
De la vallée principale, nous ne voyons d'ici que le flanc d'auge et les épaulements de la rive gauche.
A la base des falaises des Aiguilles de l'Argentière, on trouve des stries glaciaires, preuve que la glace atteignait ce niveau.

Photo non renseignée


La Chalp, alpage perché au-dessus de la vallée du Vénéon, un peu en amont du Bourg d'Oisans (Isère).
Les tiretés verts soulignent le flanc d'auge, les tiretés rouges les épaulements portés par deux arêtes descendues du sommet de Pied Moutet (à gauche, hors photo). Le
rebord d'auge se situe à l'intersection des pointillés vert et rouge.


Autres exemples d'épaulements




L'existence des épaulement est, bien entendu, connue depuis longtemps.
Leur origine a fait l'objet de théories diverses ( cycles successifs emboîtés, interprétations purement morphologiques ou structurales ) sans que, apparemment, une unanimité se dégage.
En ce qui nous concerne, ainsi que nous l'avons dit plus haut, nous avons constaté la présence de nombreuses formes mineures d'érosion glaciaire sur tous les épaulements que nous avons visités.

POURQUOI LES VALLEES GLACIAIRES PRESENTENT-ELLES SOUVENT CETTE FORME EN AUGE ?

Si l'on peut facilement expliquer la genèse d'une vallée fluviale en V -- nous le verrons un peu plus loin -- il est plus difficile de comprendre pourquoi un glacier est susceptible de modeler une auge en U.
Les modalités de creusement par la glace sont, il faut bien en convenir, assez mal connues.
Nous proposons une explication toute différente, basée sur l'action des eaux de fonte glaciaires et dans laquelle la glace n'intervient pas directement.

Pour en savoir plus, le lecteur intéressé pourra se référer à la page formation des vallées en auge.


En général, toutefois, les vallées glaciaires ne présentent pas ce profil caractéristique - rebords d'auge et épaulements - sur toute leur longueur mais seulement sur de courtes sections de la vallée, sur des arêtes descendues des sommets latéraux.

Nous pensons que ceci est dû aux appareils affluents occupant les vallons latéraux, dont les glaces plongeaient sous celles du glacier principal. Le glacier de vallée ne pouvait donc exercer son érosion que sur les arêtes séparant ces vallons, sur lesquelles il modelait des épaulements.
Ce fait nous parait attesté par la présence fréquente, au fond de ces vallons, en-dessous du niveau de la surface du glacier de vallée, de stries orientées selon la ligne de plus grande pente ( et non parallèlement au thalweg de la vallée comme cela serait le cas si elles avaient été creusées par l'appareil principal ).

On pourrait objecter que ces stries ont pu être creusées en l'absence de glace dans la vallée, c'est-à-dire soit, en début de glaciation, avant l'arrivée du glacier principal, soit, en fin de glaciation , après son départ. Il est facile de montrer que ce n'est pas le cas :
Les glaciers affluents présentent une inertie moins importante que celle du glacier de vallée. Ils ont donc pu imprimer ces stries avant l'arrivée de celui-ci. Mais dans ce cas, elle auraient été détruites au cours de la suite de la glaciation.
Inversement, en fin de glaciation, les glaciers affluents disparaissent avant l'appareil de vallée et les stries ne leur sont donc pas imputables.

C’est le cas, par exemple de la vallée de l'Eau d'Olle.

Dans la vallée de l'Eau d'Olle (Isère), entre Allemont et le Rivier d'Allemont, le profil caractéristique peut s'observer sur sept arêtes de la rive droite (cinq d'entre elles sont visibles sur cette photo).
Les tiretés verts soulignent les flancs d'auge, les tiretés jaunes les épaulements. ( de gauche à droite, les arêtes de Rif Premier, des Rochailles, de Mal Pourchie, la Pessée et de la Suif ).
Entre ces arêtes, l'appareil de l'Eau d'Olle n'a pu sculpter une auge caractéristique, du fait des glaciers affluents qui empruntaient les vallons ( flèches blanches ).

Tout à l'amont, vue rapprochée des deux épaulements de la Pessée et de la Suif.


Photo plus grande, non renseignée




Mais que s'est-il passé après le départ des glaciers ? Les versants ont-ils tous gardé leur netteté d'origine ? Réponse : Stabilité des versants.



Quelques formes glaciaires originales:
Les épaules et les seuils

Les érosions de versants d'origine glaciaire





Retour en haut de page