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En règle générale, on constate que les rebords d'auge se situent 100 à 150 m plus bas que l'altitude maximum atteinte par le glacier et les sommets d'épaulement quelques dizaines de mètres en dessous de ce niveau. Les épaulements portent de nombreuses formes glaciaires (dépôts, sillons vallonnés ou rocheux, stries) alors qu'au-dessus d'eux, la pente, plus soutenue, ne montre plus de modelé glaciaire. |
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Les eaux glaciaires circulent tout d'abord en surface et dans la tranche supérieure du glacier, jusqu'à 100 à 150 m de profondeur. Elles s'écoulent alors sur la surface d'écoulement intraglaciaire, elles rejoignent les rives, puis elles disparaissent dans les profondeurs. Nous pensons qu'elles gagnent alors le fond d'auge par des conduits situés contre les rives et que nous avons appelé "moulins de rive". Parvenues sur le fond d'auge, elles circulent dans de nombreux chenaux répartis sur toute la largeur de celui-ci. |
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Les moulins de rive sont, en quelque sorte, "appliqués" contre les parois par la poussée de la glace. Leurs emplacements varient sans cesse en fonction de la marche du glacier. |
OBJECTIONS ? |
Pour être complet, il convient de signaler trois objections que l'on a faites à l'encontre de l'importance que nous attribuons au rôle joué par les eaux glaciaires dans le façonnement des vallées en auge :
Or, si les belles auges glaciaires s'observent surtout dans le bas des vallées, là où, précisément, l'action des eaux était la plus importante, on en trouve également à des niveaux plus élevés, enfouies encore parfois sous les glaces, par exemple dans le bassin de la Mer de Glace, au niveau du Tacul (2200 m) (Louis Reynaud 1991).1 - De telles érosions ne peuvent se produire que lorsque le débit des eaux de fonte est suffisant, c'est-à-dire à une altitude assez faible, qui, pendant les glaciations quaternaires, se situait plus bas encore qu'à l'heure actuelle. Certes, on est ici en dessous de la ligne d'équilibre actuelle (limite entre zones d'accumulation et d'ablation) qui se situe vers 2750 m à la Mer de Glace et bien plus bas encore que l'altitude où les eaux de fonte estivales commencent à percoler vers les profondeurs, transformant le glacier froid en glacier tempéré (sans doute actuellement ici aux environ de 3600 m). Il est donc important de déterminer l'altitude en dessous de laquelle le débit des eaux glaciaires atteignait une valeur appréciable lors des glaciations. Des observations que nous avons récemment effectuées dans le massif des Sept Laux (Isère) semblent apporter de l'eau à notre moulin (avec et sans jeu de mots). Au pléniglaciaire du Würm, un débit d'eau susceptible de creuser des ravins existait déjà ici à une altitude de l'ordre de 1800 à 1900 m, voire plus haut. Voir à ce sujet la diffluence du Merdaret On pourrait s'étonner toutefois que le débit des eaux de fonte ait été suffisant, à cette altitude, pour donner naissance à des vallées en auge. On n'oubliera pas cependant que, depuis le début du Quaternaire, les périodes froides ont alterné avec des interglaciaires chauds au cours desquels les glaciers ont reculé plus encore que de nos jours (certains estiment même qu'ils avaient alors presque entiérement disparus). Et durant les glaciations elle-mêmes, des épisodes tempérés se sont produits au cours des périodes froides. L'érosion par les eaux glaciaires a pu ainsi s'exercer, aux périodes de forts reculs glaciaires, plus haut qu'à l'heure actuelle. 2 - L'action des eaux glaciaires, à elle seule, ne permet pas, à première vue, d'expliquer les altitudes élevées atteintes par les rebords d'auge dans les parties amont de certaines vallées, à des niveaux où la température ne devait pas permettre la fonte de surface.
Deux exemples :
3 - On peut objecter aussi que les parois d'une vallée en auge ne présentent pas de formes qui pourraient être attribuées indéniablement à des circulations d'eau, telles des marmites de géants. C'est qu'il ne faut pas oublier que, si en dessous de la surface d'écoulement intra-glaciaire, les versants sont soumis à l'action conjointe des eaux glaciaires et de la glace, cette dernière s'exerce pratiquement seule au-dessus de ce niveau. Lors de la décrue des grands glaciers quaternaires, au cataglaciaire, cette surface d'écoulement intra-glaciaire s'est abaissée en même temps que celle du glacier. Les formes éventuelles d'érosion torrentielle imprimées sur les versants ont donc été oblitérées par des formes plus purement glaciaires, jusqu'au dégagement final des versants de leur gangue de glace. |