En règle générale, on constate que les rebords d'auge se situent 100 à 150 m plus bas que l'altitude maximum atteinte par le glacier et les sommets d'épaulement quelques dizaines de mètres en dessous de ce niveau. |
Par effet ventouse, qui arrache les blocs des parois au-dessus de la rimaye. Mais il s'agit là d'un effet périglaciaire qui s'exerce en dehors du corps du glacier lui-même et ne participe pas au façonnement de la vallée. En dépit de son nom quelque peu ..... rébarbatif, c'est cet effet ventouse qui a forgé les plus beaux paysages de nos Alpes, par exemple les Aiguilles du Diable de Chamonix. |
Par poussée, qui entraîne la fracturation et l'arrachement des reliefs en saillie sur le lit, donnant ainsi naissance à des abrupts d'arrachement. Toutefois, cet effet de poussée ne saurait s'exercer sur une paroi lisse et il ne peut être tenu pour seul responsable de l'approfondissement d'une auge. |
Par abrasion, qui donne naissance à des roches moutonnées ..... |
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...... et par polissage, qui engendre des polis glaciaires |
Les eaux agissent également par pression différentielle..... | |
..... qui tend à ouvrir les fissures des rochers, contribuant ainsi à la création d'abrupts d'arrachement. |
En particulier, les explorations de Louis Reynaud à la Mer de Glace et au glacier d'Argentière ont montré que, par un réseau de bédières et de moulins, elles rejoignent les rives, à une profondeur de l'ordre de 100 à 150 m. |
C'est ainsi qu'au glacier d'Argentière on a constaté que les eaux coulent simultanément dans plusieurs chenaux dont la position varie dans le temps au fur et à mesure de l'avancement du glacier. Ceci a nécessité le forage, à partir de la galerie transversale creusée dans le bedrock, de plus de 20 sorties à la glace, et l'équipement en captage de 6 à 8 d'entre elles. La même constatation a été faite à la Mer de Glace. |
Il est du plus grand intérêt de noter que, dans le cas de ces deux glaciers, l'écoulement sous-glaciaire est subdivisé en plusieurs torrents qui empruntent, simultanément ou à tour de rôle, divers tunnels et non cantonné à un seul " canyon " sous glaciaire.
On notera toutefois que ces observations ont été faites sous une épaisseur de glace ne dépassant par 300 m, c'est-à-dire nettement inférieure à celle des grands glaciers quaternaires. |
Voici, par exemple, des formes d'érosion (N channels, pour Nye channels) au front d'un glacier suisse... | |
... et d'autres photographiées sur les délaissés d'un glacier quaternaire en Écosse. Sur l'un comme sur l'autre cliché, on remarquera la présence d'abrupts d'arrachement. |
« L'origine de ces rainures visibles sur l'île Kelley a été débattue depuis plus d'un siècle. Sont-elles dues à la glace ou à des courants d'eau sous-glaciaires ? Noter que les formes courbes suggèrent un écoulement fluide. Vue prise dans le sens de l'écoulement du glacier». (Commentaire de l'auteur de la photo) Photo prise sur le site remarquable de l'Université de Cincinnati. http://tvl1.geo.uc.edu/ice/Glacier.html |
On sait, à la suite de Guy Monjuvent, que, pendant le Würm, le Trièves était libre de glace et occupé par un grand lac alimenté par les eaux du Drac et de ses affluents. La vallée était en effet barrée par le glacier de l'Isère et sa moraine frontale située vers Sinard. Les eaux de ce lac s'écoulaient dans la vallée voisine de la Gresse en empruntant le seuil des Cadorats (770 m). Mais, plus à l'aval, elles retrouvaient le barrage créé par le glacier de l'Isère, dont la surface s'élevait à 1100 m environ. Si ce barrage avait été complètement étanche, le niveau du lac aurait dû s'établir aux environ de 900 à 1000 m d'altitude, ce qui n'a jamais été le cas. Ceci prouve que les eaux empruntant la vallée de la Gresse pouvaient s'évacuer en profondeur, par l'intermédiaire donc de moulins de rive, en longeant la rive coté Vercors où elles ont creusé les magnifiques Déserts de Jean-Jacques Rousseau et de l'Ecureuil. Etude plus complète du lac du Trièves ici |
Dans le cas d'une vallée fluviale, une section de la vallée reçoit uniquement l'apport des eaux météoriques correspondant à sa surface. Celles tombées plus en amont ont été collectées et courent dans le fond du talweg. Dans le cas d'une vallée glaciaire, par contre, les eaux météoriques se joignent aux eaux de fonte, elles restent tout d'abord en surface et, lorsque la possibilité s'en présente, elles rejoignent les eaux de fond en empruntant les moulins de rive. Leurs actions érosives sont donc concentrées contre les parois. Le jardinier arrose au jet, et non à la pomme d'arrosoir ... |
C'est ainsi que la haute vallée du Vénéon, en amont de La Bérarde (Isère), présente une série d'épaulements à des altitudes de l'ordre de 2800 m. Il en est de même de celle de l'Unteraargletscher , au-dessus du col du Grimsel(Valais, Suisse). |
OBJECTIONS ?
Pour être complet, il convient de signaler deux objections que l'on a faites à l'encontre de l'importance que nous attribuons uu rôle joué par les eaux glaciaires dans le façonnement des vallées en auge : 1 -- On pourrait objecter que de telles érosions ne peuvent se produire que lorsque les eaux de fonte ont un débit suffisant, c'est-à-dire à une altitude assez faible, qui, pendant les glaciations quaternaires, se situait plus bas encore qu'à l'heure actuelle. Or, si les belles auges glaciaires s'observent surtout dans le bas des vallées, là où, précisément, l'action des eaux était la plus importante, on en trouve également à des niveaux plus élevés, enfouies encore parfois sous les glaces, par exemple dans le bassin de la Mer de Glace, au niveau du Tacul (2200 m) (Reynaud 1991). Certes, on est ici en dessous de la ligne d'équilibre actuelle (limite entre zones d'accumulation et d'ablation) qui se situe vers 2750 m à la Mer de Glace et bien plus bas encore que l'altitude où les eaux de fonte estivales commencent à percoler vers les profondeurs, transformant le glacier froid en glacier tempéré (sans doute actuellement ici aux environ de 3600 m). Il est donc important de déterminer l'altitude en dessous de laquelle le débit des eaux glaciaires atteignait une valeur appréciable lors des glaciations. Des observations que nous avons récemment effectuées dans le massif des Sept Laux (Isère) semblent apporter de l'eau à notre moulin (avec et sans jeu de mots). Au pléniglaciaire du Würm, un débit d'eau susceptible de creuser des ravins existait déjà ici à une altitude de l'ordre de 1800 à 1900 m, voire plus haut. Voir à ce sujet la diffluence du Merdaret On pourrait s'étonner toutefois que le débit des eaux de fonte ait été suffisant, à cette altitude, pour donner naissance à une vallée en auge. On n'oubliera pas cependant que, depuis le début du Quaternaire, les périodes froides ont alterné avec des interglaciaires chauds au cours desquels les glaciers ont reculé plus encore que de nos jours (certains estiment même qu'ils ont presque entiérement disparu). Et durant les glaciations elle-mêmes, des épisodes tempérés se sont produits au cours des périodes froides. L'érosion par les eaux glaciaires a pu ainsi s'exercer, aux périodes de forts reculs glaciaires, plus haut qu'à l'heure actuelle. 2 -- On peut objecter aussi que les parois d'une vallée en auge ne présentent pas de formes qui pourrait être attribuées indéniablement à des circulations d'eau, telles des marmites de géants. C'est qu'il ne faut pas oublier que, si en dessous de la surface d'écoulement intra-glaciaire, les versants sont soumis à l'action conjointe des eaux glaciaires et de la glace, cette dernière s'exerce pratiquement seule au-dessus de ce niveau. Lors de la décrue des grands glaciers quaternaires, au cataglaciaire, cette surface d'écoulement intra-glaciaire s'est abaissée en même temps que celle du glacier. Les formes éventuelles d'érosion torrentielle imprimées sur les versants ont donc été oblitérées par des formes plus purement glaciaires, jusqu'au dégagement final des versants de leur gangue de glace. |