LES MODES D’ÉROSION GLACIAIRE
56
EROSION PAR LA GLACE
Un glacier dispose, pour imprimer sa marque dans les paysages, de plusieurs moyens d'action. En premier lieu, la glace qui le compose peut agir :
 |
Par poussée, qui entraîne la fracturation et l'arrachement des reliefs en saillie sur le lit, donnant ainsi naissance à des abrupts d'arrachement, tels ceux-ci, sur le versant ouest du massif des Grandes Rousses ( Isère )..
|
 |
Par abrasion, en dessous de la rimaye pour un glacier de cirque et sur le fond et les parois de l'auge d'un glacier de vallée.
L'abrasion donne souvent naissance à des roches moutonnées.
|
 |
Enfin, par polissage, qui engendre des polis glaciaires
|
Dans ces effets d'abrasion et de polissage, ce sont, plus que la glace elle-même, les débris rocheux qu'elle renferme qui constituent l'abrasif, à la manière des grains de corindon d'une meule.
Mais il ne faut pas oublier que la glace, au contraire du liant d'une meule, est malléable sous pression et que toute force exercée sur un élément rocheux inclus dans la glace a tendance à le faire pénétrer dans celle-ci si la pression dépasse 2 bars.
Seuls, donc, les blocs de dimensions importantes seront susceptibles d'exercer un effort suffisant pour attaquer la roche en place.
 |
On mentionnera également l' effet ventouse, qui arrache les blocs des parois au-dessus des rimaye. Mais il s'agit là d'une action périglaciaire et non glaciaire, car elle s'exerce en dehors du corps du glacier lui-même.
La neige qui tombe sur les pentes - tout au moins celle que n'emportent pas les avalanches - se transforme en effet en glace qui adhère aux rochers ; ceux-ci voient alors leur poids augmenter, leur centre de gravité se déplacer et ils finissent par être arrachés à la paroi.
En dépit de son nom quelque peu ..... rébarbatif, c'est cet effet ventouse, qui donne aux parois et aux arêtes qui émergent des glaciers leur aspect déchiqueté.
C'est lui l'artisan des plus beaux paysages de nos Alpes, par exemple ici les Aiguilles du Diable, à Chamonix, photographiées au petit matin.
|
L'action de ces modes d'érosion par la glace donne naissance à des formes qui peuvent être extrêmement différentes.
Aux Aiguilles du Diable que nous venons d'évoquer, sculptées par l'effet ventouse associé à l'action des cycles gel / dégel (mode d'érosion à classer également dans les actions périglaciaires), on comparera ce magnifique exemple d'érosion par abrasion, proche du col du Grimsel (Suisse).
Ces deux paysages sont pourtant taillés dans le même matériau, du granite.
 |
Les flèches indiquent - si vous avez d'assez bons yeux pour les distinguer - la position de grimpeurs.
|
Mais l'action des glaciers ne peut être réduite à celle de la glace elle-même.
En effet, en dessous d'une certaine altitude - ce point sera précisé plus loin - apparaissent des « eaux glaciaires » qui jouent pleinement leur rôle dans l'érosion glaciaire.
EROSION PAR LES EAUX GLACIAIRES
Tout d'abord, qu'appelle-t-on eaux glaciaires ?
Elles sont constituées par l'ensemble des flux suivants :
- les eaux de fonte de surface, les plus importantes (jusqu'à 10 m de hauteur d'eau par an, en fonction de l'altitude, dans nos glaciers alpins actuels)
- les eaux des versants : sources, fonte des glaciers affluents non coalescents, fonte des névés
- les eaux météoriques (pluie et neige)
- enfin les eaux de fonte dues au mouvement du glacier et au flux géothermique.
Le pouvoir érosif de ces eaux glaciaires est très important.
Elles agissent par :
- érosion mécanique, grâce aux éléments solides qu'elles transportent. Ici, contrairement à ce qui passe dans le cas de la glace, tous les solides transportés jouent un rôle, depuis les galets jusqu'aux sables - souvent quartzeux et toujours à arêtes vives - et à la farine glaciaire.
- érosion hydraulique, en particulier la cavitation, très destructrice et qui apparaît aux grandes vitesses. Or Robert Vivian cite des vitesses atteignant 50 m par seconde.
 |
Les eaux agissent également par pression différentielle..... |
 |
..... qui tend à ouvrir les fissures des rochers, contribuant ainsi à la création d'abrupts d'arrachement. |
- érosion chimique. Ces eaux froides sont acides (du fait du dioxyde de carbone dissous) et agressives vis-à-vis des roches calcaires mais également des roches cristallines.
S'écoulant sur les roches calcaires, elles donnent souvent naissance à des lapiaz dans les zones peu inclinées, tels les fonds de cirque.
Le rebord nord du Vercors (gouffre Berger), l'Oucane de Chabrières ( vallée de la Durance ), le Désert de Platé en constituent de bons exemples.
Les effets de ces quatre modes d'érosion sont encore amplifiés par le fait qu'ils travaillent en synergie.
Ces effets érosifs sont bien connus des turbiniers et les eaux glaciaires ne peuvent être économiquement utilisées qu'après décantation dans un lac.
Les eaux glaciaires nous paraissent jouer un rôle important dans l'érosion ; nous avons consacré une page spéciale à la circulation de ces eaux à l'intérieur du glacier.
Un glacier constitue également un moyen de transport pour les débris qu'il a arrachés aux parois ou dont l'action du gel l'a recouvert. À la différence d'une rivière, qui ne peut transporter de gros éléments que lors de ses crues, un glacier, lui, évacue en permanence la totalité des éléments qu'il reçoit, quelle que soit leur taille et sans les trier, caractéristique qui donne un faciès particulier aux dépôts glaciaires, nous le verrons plus loin.
On pense actuellement qu'un glacier ne peut, à lui seul, donner naissance à une vallée, mais seulement approfondir, élargir, calibrer une vallée fluviale préexistante. Recouvrant une zone peu inclinée dépourvue de talwegs, il aura même un effet protecteur sur le relief.
Le creusement des vallées glaciaires est étudié en détail ici à la page formation des vallées en auge
Ces divers modes d'érosion concourent à l'obtention d'un relief original, le modelé glaciaire.