LES DÉPÔTS GLACIAIRES
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Et tout d'abord, une remarque qui pourra surprendre :
les dépôts glaciaires, fréquents dans les plaines de piedmont au débouché des vallées alpines, sont rares dans le haut de celles-ci.
Paradoxe cependant facilement explicable : en haute montagne, les pentes sont trop fortes pour que ces dépôts aient pu s'y maintenir depuis la fin de la dernière glaciation et l'érosion les a évacués en quasi-totalité.

Ces matériaux arrachés aux parois, nous les retrouvons plus bas, dans les plaines de piémont ( environs de Lyon, d'Ivrée ( Italie ) ou amphithéâtre morainique du lac de Garde ) ou encore dans des bassins situés à l'écart des grands courants fluviaux qui ont succédé aux glaciers, tel le Trièves ( Isère ).
Les dépôts les plus anciens seront les plus éloignés des reliefs, à tel point que, pour rencontrer des moraines attribuées au Mindel, il nous faudra descendre jusqu'à Sisteron.

Cependant, on rencontre parfois, accrochés au flanc de certaines vallées alpines, des dépôts rissiens, auxquels leur situation dans des sites protégés - c'est à dire en des lieux placés, grâce à leur situation géographique, à l'abri des érosions post-glaciaire - a permis de subsister jusqu'à nos jours.
Les moraines situées à l'aval immédiat des glaciers actuels, par exemple sous le glacier du Miage italien ( Val Veni, Val d'Aoste ), datent du Petit Age Glaciaire.


Signalons que dans les Alpes françaises on observe fréquemment des dépôts glaciaires légèrement au-dessus des moraines les plus élevées.
Tout se passe comme si l'extrême avancée des glaciers n'avait duré que peu de temps et que c'est au cours du premier stade de retrait que lesdites moraines s'étaient déposées.
Ce sont ces moraines les plus élevées que nous appellerons moraines du maximum car ce sont elles qui sont les plus visibles dans les paysages, tout en sachant donc que l'on pourra rencontrer parfois quelques dépôts glaciaires légèrement plus élevés.

Ce curieux vallum terminal en forme de col Claudine est celui du glacier du Miage italien, issu de la vallée à droite de la photo.
Entre les deux bras de la moraine, une zone boisée, le Jardin du Miage.
Au fond apparaissent les Pyramides Calcaires, qui dominent le col de la Seigne, à la frontière France - Italie.

Les dépôts glaciaires ont repoussé la rivière contre la rive opposée du Val Veni, disposition que l'on observe fréquemment.



La moraine latérale de la Mer de Glace, ou encore celle du glacier qui occupe le vallon de Fontaine Noire ( Champagny, Savoie ) datent également du Petit Age Glaciaire.

Rive droite du Ruisseau de Fontaine Noire, une moraine aux formes aiguës datant du Petit Age de Glace domine de son flanc abrupt les délaissés du glacier moribond.
En contrebas de la falaise, les séracs provenant du glacier supérieur donnent naissance à un glacier régénéré.
A gauche, le dôme de neige est celui du glacier de la Chiaupe, sur le versant est du Sommet de Bellecôte.
Les crêtes des moraines sont parfois dédoublées, comme c'est le cas pour cette moraine très récente du glacier du Clot des Cavales (Haute Romanche, Hautes-Alpes).


D'autres exemples de moraines à crête double ou multiple

COMMENT IDENTIFIER UN DEPOT MORAINIQUE ?

Moraines frontales et latérales, émoussées par la lente érosion postglaciaire, ont perdu leurs formes aiguës, leurs pentes raides.
Même recouvertes de végétation, elles sont, pourtant, faciles à identifier, au hasard, par exemple, d'un talus au bord d'une route.

Les dépôts qui les constituent - ou tills - présentent, en effet, des caractéristiques bien particulières, qui permettent de les différencier aisément des dépôts fluviatiles :
- les blocs, de toutes tailles, bien qu'émoussés, sont moins arrondis que des galets fluviaux
- la granulométrie est continue et s’étend des argiles jusqu'aux plus gros blocs
- on n'observe pas ou peu de litage (couches de sédiments superposés).
- enfin, ils présentent fréquemment une couleur jaunâtre

Sous une faible couverture de terre végétale, voici une moraine photographiée à Montaud (Isère).
La prise de vue représente un hauteur de 2 m environ de moraine, les plus gros blocs mesurant 20 cm.



La présence de blocs striés est une preuve absolue que l'on est en présence d'un dépôt glaciaire ..... mais on n'a pas toujours la chance d'en trouver !


Ce bloc strié, photographié sur un drumlin près du col du Frêne ( Savoie ), présente un faciés typiquement glaciaire, émoussé, mais moins arrondi cependant qu'un galet fluvial ou de plage.


Les dépôts glaciaires se présentent sous des formes très variées :

- Les moraines frontales se rencontrent dans les régions atteintes par les glaciers au maximum de leur extension, là où ils ont stationné un temps suffisant. Ces vallums morainiques, disposés en croissants, parfois emboîtés les uns dans les autres lorsque le recul du glacier s’est effectué en plusieurs stades, sont entaillés par un ou plusieurs chenaux d’évacuation des eaux de fonte.
On citera ainsi, en particulier, les collines d'Ivrée, au débouché de la Doire Baltée dans la plaine du Pô. Ce magnifique amphithéâtre est formé par le vallum morainique de l'ancien lobe glaciaire qui s'étendait dans la plaine du Pô sur près de 400 km2.
A noter que le terme "vallum" provient du latin "vallum" ( palissade ) et non de "vallée".

L'amphithéâtre d'Ivrée.
Le lac de Viverone a subsisté jusqu'à nos jours grâce à sa situation à l'écart de la Doire.

Image NASA


On peut encore mentionner les collines d'Avigliana - Rivoli, près de Turin ( Doire Ripaire ), celles du glacier de la Durance au Poët, un peu en amont de Sisteron ou enfin les

dépôts de l'Avant Pays Alpin

- Les moraines latérales courent aux flancs des vallées, parfois sur plusieurs niveaux superposés correspondant à des phases de retrait du glacier.


Sous les Rochers Rissiou (Vallée de Vaujany, Isère) court une banquette longue de 2 km, soulignée ici par la neige.
Le glacier qui, au Riss, recouvrait le versant nord du massif des Grandes Rousses, envoyait par le col du Sabot une diffluence qui a déposé cette moraine latérale.

Les terrasses latérales plates qui s'étendent entre les moraines latérales et les flancs de la vallée sont souvent occupées par des villages, tel Sinard ( Isère ) ou les villages rive droite de la Leventina ( Tessin ).
Ces dépôts morainiques, là où ils ont été consolidés localement par la circulation d'eaux calcaires, donnent fréquemment naissance, lorsqu'ils sont entaillés par le ruissellement - et non, comme on le pense fréquemment, par l'action de la pluie - aux demoiselles coiffées ( quoique parfois décoiffées ) bien connues . Il ne faudrait toutefois pas confondre celles-ci avec d’autres formations rocheuses, par exemple les aiguilles de cargneule, telles celles de la Combe Genin dans la vallée de l'Arvan ( Savoie ).

D'autres moraines

- La moraine de fond, peu spectaculaire, mais combien utile, tapisse d'un enduit de quelques mètres d'épaisseur le fond et certains versants des grandes vallées glaciaires.
Il s'agit là du cadeau le plus utile que nous ont laissé les glaciers lors de leur recul.
Ces dépôts contiennent, en effet, une proportion notable d'argile, dont les paillettes submicroscopiques retiennent l'eau et les sels minéraux nécessaires aux végétaux.
Ces revêtements glaciaires constituent donc d'excellentes terres agricoles, à tel point que l'on peut souvent retrouver le tracé d'un glacier, aujourd'hui disparu, dans la forme des cultures et des prairies au milieu des surfaces incultes ou boisées.

Dépôts glaciaires et cultures

Les dépôts peuvent être constitués de matériaux autochtones ou allochtones, c'est-à-dire provenant de massifs éloignés. C'est le cas, par exemple, dans les Préalpes, où les éléments autochtones sont uniquement sédimentaires alors que les autochtones peuvent contenir des roches cristallines.
On remarque fréquemment dans ce cas que les dépôts formés en fin de glaciation sont uniquement autochtones, les éléments allochtones, déposés auparavant, se situant plus profondément sous la surface du sol.
Ceci nous semble dû au fait que les éléments allochtones ont été apportés en général par des diffluences passant par les cols, dont le débit se tarissait dès le début de la décrue glaciaire, ne laissant subsister que les appareils locaux.

- On rencontre parfois, dans le fond des vallées, de petites collines, allongées en "dos de baleine", ce sont des drumlins.

- Et, plus rarement, tout au moins dans les Alpes, des ôs et des kettles

- Les blocs erratiques, que l’on trouve, ça et là, dans les basses vallées, très loin parfois des montagnes, ont été jadis, avant que l’on ait pris conscience de l’existence des grands glaciers quaternaires, un sujet d’étonnement, d'où leurs appellations parfois originales.

Voici par exemple Pierre Larron, un de ces blocs, suspendu au-dessus de la station savoyarde de Valmorel.

Connus depuis toujours, ces blocs de dimensions parfois énormes ont donné naissance à la théorie «diluvienne» : seul un déluge universel pouvait expliquer leur mise en place.
Nous trouvons ainsi, sous la plume du Professeur Nérée Boubée, dans son ouvrage «Géologie élémentaire à la portée de tout le monde», paru en 1833, un résumé de cette théorie.
L'auteur y expose même son explication du déluge universel, la rencontre de la terre avec une comète qui l'a heurtée obliquement.
150 ans à l'avance, voici déjà évoquée une des causes probables de la disparition des dinosaures...

Bien que, au fil des siècles, le nombre des blocs erratiques ait fortement diminué – ils constituaient, dans des régions parfois dépourvues de pierres de construction, des carrières toutes trouvées – leur étude apporte d’intéressantes précisions sur le cheminement des glaciers.
C’est ainsi que les blocs erratiques de roches vertes que l'on rencontre parfois dans le Queyras permettent de reconstituer le tracé des diffluences qui les ont transportés d'une vallée à une autre.

- Parvenus au terme de leur voyage au sein ou sur le dos du glacier, les éléments transportés étaient repris par les cours d'eau qui s'échappaient de la langue frontale. Certains d'entre eux se déposaient alors à quelque distance pour former des dépôts fluvio-glaciaires.
A la différence des moraines, les matériaux, lavés au cours de leur trajet aquatique, sont dépourvus d'argile ( et donc directement utilisables comme agrégats).
Ces dépôts fluvio-glaciaires prennent parfois le nom de sandurs ( de l'islandais ).
- Des sédiments de ce type peuvent également se déposer parfois entre une moraine latérale et la paroi de la vallée. Aprés disparition du glacier et de sa moraine, ils subsisteront sous forme d'une terrasse de kame. Un exemple de terrasse de kame.

D'autres, enfin, aboutissaient dans les très nombreux lacs qui existaient lors des périodes glaciaires et, plus encore, après la disparition des glaciers. Leur intérêt est tel que nous leur avons consacré une page spéciale.

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