VIE ET MORT D'UN LAC GLACIAIRE Imaginons tout d'abord un lac compris entre un glacier et une moraine frontale ou latérale ou encore un lac d'ombilic. Les torrents qui s'y jettent - en été principalement - y édifient un delta sous-lacustre, caractérisé par de nombreuses couches superposées, inclinées de 25° à 30°sur l'horizontale ( Dépots deltaïques ). Les couches supérieures terminales présentent, quant à elles, des pentes beaucoup plus faibles, car ce ne sont pas de véritables dépôts lacustres, ils se sont édifiés à l'air libre. Il s'agit de playas ( une playa étant une zone d'épandage d'alluvions à surface plane, parcourue par de nombreux ruisseaux anastomosés et vagabonds ). Si le cours d'eau est issu directement d'un glacier, ces dépôts prennent le nom - islandais - de sandurs.
Si ces deux modalités de dépôt - deltas sous
lacustres et playas - ont été fréquemment
décrites, nous ne pensons pas qu'il en soit de même de la troisiéme, qui s'applique cette fois à
un lac dont le niveau s'éléve au fur et à mesure de son
comblement. Premier cas : On peut, tout d'abord, se trouver dans une période de crue glaciaire pendant laquelle le niveau du glacier, donc celui du lac, s'éléve rapidement et où le volume disponible se crée à une vitesse supérieure à celle des apports. On se retrouve alors dans la premiére modalité ci-dessus, que nous appellerons la phase lac. Les argiles décantent sous forme d'argiles varvées, alors que les apports plus grossiers, qui n'intéressent que la partie amont du lac, forment des dépôts deltaïques. Le lac s'étend alors jusqu'à la base du glacier et ses eaux viennent saper celle-ci. Une falaise plus ou moins verticale se crée, à la place de la pente progressive classique d'une langue glaciaire terminale. Exemples : le lac du Miage (Val Veni , Val d'Aoste).
L'existence d'une falaise plongeant dans les eaux du lac semble assez générale, car nous la retrouvons : - pour certains glaciers du Tessin se terminant dans des
lacs de retenue artificiels,
- dans le cas du lac de Märjelen ( Tessin, Suisse ), - ou encore à une toute autre échelle, dans celui des magnifiques glaciers d'Argentine ou du Spitzberg aboutissant dans l'océan.
Deuxiéme cas : Si l'on se trouve, au contraire, dans une période de stagnation glaciaire ou d'élévation lente du niveau de la glace, pendant laquelle la vitesse de création de volume disponible est nettement inférieure au débit des apports solides, le lac pourra se combler entièrement, jusqu'au contact avec le glacier, de matériaux grossiers en provenance de l'amont. Nous nous trouvons alors dans la deuxiéme des modalité évoquées ci-dessus, que nos appellerons phase playa. Les dépôts sont également caractéristiques, ce sont des sables et graviers lavés, en lits peu inclinés ( quelques pour cent ), qui présentent fréquemment des chenalisations ( stratifications obliques dues au déplacement des torrents vagabondant à la surface de la playa ). Cette playa dont le niveau s'éléve avec l'arrivée de nouveaux matériaux, freine l'avancée du glacier.
Exemple actuel : le lac de Combal, résultant du barrage de la vallée de la Doire par le glacier du Miage italien ( Val Veni, Val d'Aoste ). Troisiéme cas : Ce dernier cas était certainement beaucoup moins fréquent, mais c'était celui, par exemple, du glacier würmien de la Bonne venant barrer la vallée du Drac, pour donner naissance au lac du Beaumont ou encore, peut être, celui des vallées du Guiers Vif et du Guiers Mort ( Massif de la Chartreuse ), barrées par le glacier de vallée. Dans ce cas, le niveau du lac en cours de formation s'éléve au même rythme ou à un rythme légérement inférieur à celui des apports solides. Les dépôts se présentent alors sous un aspect original que nous appellerons dépôts par faible profondeur. Ces dépôts ne présentent pas les caractéristiques des précédents : pratiquement horizontaux - donc ni deltaïques ni de playa - ils ne montrent pas les chenalisations fréquentes sur ces derniéres. Comme dans le deuxiéme cas, les dépôts freinent l'avancée du glacier, qui stagne sans s'avancer beaucoup en remontant la vallée principale. Dans la vie d'un lac de ce type ( barrage d'une vallée par un glacier adjacent ), tel le lac du Beaumont, ces diverses phases ( lac, playa et dépôts par faible profondeur ) peuvent se succèder, entraînant la mise en place alternées d'argiles et d'éléments grossiers.
Pour plus de détails sur ce lac du Beaumont, voir la page Les anciens lacs du Beaumont et du Champsaur
On pourra également lire à ce sujet une page qui, pour une
fois, nous fera sortir du domaine alpin : Des îles de l'Adriatique au lac du Beaumont |
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Dépôts lacustres deltaîques de sable et de gravier à Marcelline, près de Pont-de-Claix ( Isère ). Après le recul du glacier würmien, un lac a occupé la cuvette grenobloise, avant d'être comblé par les apports de l'Isère, du Drac et de la Romanche. On distingue bien le pendage des couches, de l'ordre de 25°. |
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On voit en effet, sur cette vue aérienne de la terrasse de Pellafol, que les dépôts rissiens n'ont pas été
complètement érodés pendant l'interglaciaire Riss-Würm. Le glacier rissien de la Bonne ayant été plus important que son homologue würmien, il existe donc, entre les deux terrasses, une marche d'escalier sur laquelle s'est construit le nouveau Pellafol. L'ancien village édifié trop près du bord de la terrasse ( en bas à gauche de la photo ) a du, en effet, être abandonné devant la menace de l'érosion régressive de la Souloise.
Pour plus de détails sur ce lac du Beaumont, voir la page |