LES EPAULES GLACIAIRES |
Dans certains cas, les épaulements d'une vallée glaciaire - que nous appellerons alors épaules - sont très sensiblement horizontaux et atteignent de très grandes dimensions. Quelque exemples :
- l'épaule de Montfroid ( Eau d'Olle, Savoie ) - la crête de Tournoux au-dessus de la Condamine-Châtelard ( Ubaye, Hautes-Alpes ), horizontale à ± 20 m près sur une longueur de 1,5 km - la Côte Névachaise ( vallée de la Clarée, Hautes-Alpes ), horizontale à ± 10 m près sur 1 km - la crête des Guillets ( Saint Nizier du Moucherotte, Isère ), horizontale à ± 10 m près sur 2,5 km.
Dans ce dernier cas, toutefois, une origine structurale peut également être évoquée, car il s'agit du dos de la voûte sénonienne enveloppant le célèbre pli de Sassenage.
C'est une application de ce que nous disions en introduction, que l'on pourra relire ici Mais c'est la vallée de l'Isère, dans les environs de Moûtiers (Savoie), qui nous paraît présenter les deux sites les plus intéressants car ils nous permettent attribuer de manière certaine la formation des épaules à l'oeuvre des glaciers. ![]() ![]() - rive gauche de l'Isère, l'arête du Dos de Crêt Voland au Roc de Fer, au dessus de St-Martin-de-Belleville (Savoie) est horizontale à 2070 m ± 22 m sur une longueur de 1800 m. La présence de deux lacs sur l'arête même montre déjà bien son origine glaciaire, confirmée par l'existence de sillons vallonnés sur le versant est, légèrement en contrebas (2030 m). - exactement en face de ce site, sur la rive opposée de l'Isère et symétriquement par rapport à Moûtiers, l'épaule du Bozon, portée par l'arête sud-sud-ouest du Quermoz, n'est pas moins remarquable : sur une longueur de 1900 m, l'altitude n'y varie que de ± 20 m, autour de 2060 m. Elle aussi abrite un lac. L'égalité d'altitude de ces deux épaules, en dépit d'une lithologie différente (schistes et grès houillers à Crêt Voland et, au Bozon, brèches jurassiques du Quermoz et microbrèches crétacées) montre bien qu'elles ont été rabotées par le même outil. Leur situation en crête ne permet pas d'imputer leur formation à une érosion autre que glaciaire (fluviale ou torrentielle par exemple) ; il nous paraît donc certain qu'il s'agit là de l'oeuvre des glaciers qui les ont franchies pendant de nombreuses glaciations. De plus, l'altitude de 2060 et 2070 m des deux sites est très proche de celle que l'on peut déduire de l'examen de notre graphique relatif à l'Isère au-dessus de Moûtiers. Nous conviendrons toutefois ne pas comprendre, pour l'instant, comment l'action de la glace a pu engendrer des formes d'une pareille régularité. La même remarque va s'appliquer aux seuils. |
LES SEUILS GLACIAIRES |
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Nous appelons "seuils" des cols largement ouverts, caractérisés par une horizontalité quasiment parfaite, sur une longueur qui se chiffre en hectomètres ou en kilomètres. Ces seuils nous paraissent constituer également une forme typiquement glaciaire, apparentée aux épaules. En voici quelques exemples, en commençant par celui qui révèle le mieux les actions glaciaires, la Montagne du Gros Foug. Ce chaînon, qui domine la rive gauche du Rhône, est situé en Haute-Savoie, entre Culoz, Seyssel et Rumilly. Géologiquement, ce long anticlinal appartient au Jura. Sa crête s'étend, sur près de 10 km, entre les altitudes extrêmes de 950 et 1057 m, soit à l'altitude moyenne de 1000 m à ± 53 m près. Parmi les seuils que nous allons rencontrer, ce n'est donc pas le plus remarquable au point de vue géométrie, les suivants feront mieux ; mais, nous l'avons dit,c'est celui qui révèle le mieux le rôle des glaciers. Examinons en effet la carte géologique de cette Montagne du Gros Foug.
Quelques autres seuils ..... d'un horizontalité encore plus plus saisissante : - le seuil de Brié, près d'Uriage ( Isère ), horizontal à ± 10 m près sur 2 km - le seuil de Laye ( Vallée du Drac, Isère )
- le Seuil Bayard ( Hautes-Alpes ), un des plus remarquables, puisque, du col homonyme ( à l'ouest ), qui cote 1248 m, jusqu'au col de Manse Ce seuil témoigne de la diffluence, à chaque glaciation importante, du glacier de la Durance en direction de la vallée du Drac. Au MEG, l'épaisseur de glace sur le seuil atteignait 400 m, contre seulement 250 m au Würm récent.
- ..... sans oublier le Mont Rachais, qui domine Grenoble.
Au même titre que les épaules, les seuils nous paraissent être l'oeuvre des glaciers, même si la nature des roches, bien entendu, a dû, ici aussi, jouer un rôle important. Il semble que l'horizontalité des seuils est d'autant plus parfaite que la glace qui les franchissait était plus épaisse, peut-être parce que, de ce fait, ils furent plus longuement recouverts. Mais quelle était donc l'épaisseur de glace au-dessus des épaules et des seuils au maximum des glaciations ? En ce qui concerne les seuils, les résultats sont très disparates, s'échelonnant de 300 mètres au Mont Rachais jusqu'à 800 mètres sur le seuil de Brié. Les épaules, elles, font preuves d'une beaucoup plus grande régularité, tous les chiffres que nous avons obtenus étant de l'ordre d'une centaine de mètres. Dans le cas des épaules, l'analogie nous semble évidente avec les chiffres que nous avons trouvés en étudiant les épaulements, qui vont de 100 / 150 m au rebord d'auge à 50 m au sommet de l'épaulement. On pourra le vérifier ici. Par leur horizontalité et leur régularité, les épaules et les seuils nous paraissent présenter également une certaine analogie avec les fonds d'auges des vallées glaciaires en U. Une origine commune ne pourrait-t-elle pas être envisagée pour ces divers faciès d'érosion glaciaire ? Il ne s'agit certes que d'analogies mais on oubliera pas les paroles de Leibniz : « L'analogie est le grand facteur du progrès scientifique ». |