Le lecteur est en droit de se demander quel lien peut exister entre des paysages aussi différents : climat, relief, nature des roches, tout paraît les opposer. Et pourtant l'examen du relief des îles, tout particulièrement de celui des canaux (kanal en croate) qui les séparent, va nous permettre de comprendre certaines particularités des dépôts dans les lacs alpins.
Mais rappelons tout d'abord en deux mots ce qui semble constituer une
particularité assez curieuse des dépôts dans le lac du Beaumont : leur
quasi-horizontalité et l'absence aussi bien de formes deltaïques que de
chenalisations, c'est-à-dire de formes obliques résultant des divagations de la
riviére. |
Deux questions se posent alors, auxquelles nous allons
tenter de répondre.
1 - Pourquoi une plaine littorale présente-elle une pente plus faible qu'une plaine alluviale ( 0,5 pour mille contre un à plusieurs pour cent)?
On peut penser que la pente d'équilibre résulte en particulier de l'action des forces de frottement et de la gravité. |
..... AVANT DE REVENIR DANS LES ALPES Franchissons distances et durées et observons les dépôts du lac du Beaumont.Leur genése présente avec ceux des canaux dalmates une analogie qui nous parait pouvoir expliquer leurs facies peu courants : tous se sont tous produits lors d'une montée progressive des eaux. L'époque est différente, certes : pour le lac du Beaumont c'est l'arrivée du Würm II, et non pas la fin de la glaciation würmienne comme dans le cas des canaux dalmates. Mais des conditions analogues régnaient dans les deux cas : élévation progressive du niveau, due ici au barrage de la vallée du Drac par l'avancée du glacier de la Bonne. Le lac du Beaumont prend naissance, dont le niveau va s'élever lentement, engendrant à chaque instant un espace disponible, qui sera comblé en continu par les apports du Drac. Et, comme dans les canaux dalmates, les dépôts par faible profondeur vont donner naissance à une plaine littorale à la surface quasiment horizontale. A la décrue du Würm, l'érosion régressive du Drac enlévera la plus grande partie des dépôts, ne laissant subsister que quelques terrasses, en particulier celle de Saint-Sébastien. Des Goirands (876 m) aux Gauthiers (880 m), cette terrasse s'éléve de 4 m sur une distance de 4500 m, soit une pente de 0,9 pour mille, du même ordre de grandeur - compte tenu de la précision sur la définition des altitudes - que celle des canaux dalmates (0,5 pour mille), en tous cas très inférieure à celle d'une plaine alluviale. Plus en amont, la pente des terrasses devient plus importante (4 pour mille entre les Gauthiers et le début de la terrasse de Pellafol, puis 1,2 % pour cette derniére terrasse. Ceci semble indiquer que, dans la partie amont du lac du Beaumont, une partie des dépôts s'est produite, à l'air libre, sous forme de plaine alluviale. Plus de détails sur le lac du Beaumont |
Nous citerons pour terminer un cas qui présente certaines
analogies de faciès, tant avec les dépôts des canaux dalmates qu'avec ceux du
lac du Beaumont : celui des pélites du Dôme de Barrot (vallée du Var). Ici également, on se trouve en présence d'un empilage de minces strates sédimentaires, sensiblement paralléles ente elles et ne présentant, ni talus deltaïques, ni chenalisations. Et ici également, ces sédiments se sont déposés dans un bassin en subsidence, donc dans des tranches d'eau de faible épaisseur, comme en fait foi la présence, à la surface des bancs, de nombreuses rides d'oscillation ( ripple marks ). Il n'est donc pas surprenant d'observer une certaine convergence des faciès, même si la nature des sédiments et leur age différent ( ceux du Barrot datent du Permien ) et si les déformations tectoniques ulrérieures ne permettent pas de connaître la pente de la surface originelle des dépôts. |
Nous proposons d'appeler ce type de sédimentation "dépôts par faible profondeur"