LE CADRE GEOGRAPHIQUE La région à laquelle nous allons nous intéresser ici et qui fait partie du sillon molassique périalpin, comprend le Bas Dauphiné et l'Est lyonnais. Elle présente la forme d'un triangle limité par le rebord sud-ouest du Bugey, le cours du Rhône et la bordure nord-ouest du Vercors . Pour plus de renseignements sur le sillon molassique périalpin, consulter le site de M.Gidon http://www.geol-alp.com/avant_pays/avant_pays_index.html |
À l'intérieur de cette région, deux petits massifs, le plateau de Chambaran au sud et celui de la forêt de Bonnevaux au nord, font saillie au-dessus des plaines environnantes. Ces deux massifs sont séparés par la dépression de la Bièvre-Valloire, cependant que la basse vallée de l'Isère s'étend entre le plateau de Chambaran et le Vercors. Ils sont constitués d'une ossature en molasse miocène, recouverte en grande partie par un placage d'un terrain original, la formation de Chambaran et de Bonnevaux-l'Amballan, que nous nommerons ci-dessous plus simplement "formation de Chambaran". L'origine de ces reliefs - Chambaran, Bonnevaux et Bièvre-Valloire - pose quelques problèmes auxquels nous allons tenter d'apporter une réponse. Décrivons d'abord la nature de la formation de Chambaran. |
LA FORMATION DE CHAMBARAN Les passages en bleu proviennent des notices des cartes géologiques et d'autres documents en notre possession. Cette formation se compose de cailloutis polygéniques sans stratification visible, emballés dans une matrice argilo-limoneuse ou argilo-sableuse. Jusqu'à 10 à 15 m de profondeur, le cailloutis comprend essentiellement des quartzites et autres roches siliceuses très fortement altérées, jusqu'au coeur même des échantillons. Ceux-ci, sous l'action du marteau, se réduisent en une fine farine. Les galets sont de fort calibre (10 à 50 cm), bien arrondis. Plus profondément, la formation renferme également des roches cristallines et calcaires, elles aussi très altérées. Cette formation est transgressive sur la molasse miocène, dont elle se distingue aisément. Son épaisseur passe d'une trentaine de mètres à l'Est à une centaine à l'Ouest, où elle semble en continuité avec les conglomérats fluviatiles du pliocène supérieur. |
HISTORIQUE DU BAS DAUPHINE Pour le tracer, remontons au Miocène (- 23 à - 8 Ma). A cette époque, le relief de la région était complètement différent de ce que nous pouvons observer de nos jours. Ni les massifs cristallins externes (Belledonne, Mont Blanc), ni le Vercors ni la Chartreuse n'étaient encore sortis des profondeurs. La vallée du Rhône, de la Méditerranée jusqu'à Vienne (Autriche) était occupé par une mer, la mer miocène, dans laquelle se jetait une Paléo-Isère. Celle-ci, après avoir reçu le renfort d'une Paléo-Durance passant à l'emplacement de ce qui devait ultérieurement devenir le seuil Bayard, suivait sensiblement, dans son dernier tronçon le tracé de l'écoulement actuel. Cette Paléo-Isère remblaya la mer miocène de ses alluvions, qui devaient ultérieurement devenir la molasse miocène. Au Messinien - dernier étage du Miocène - le niveau de la Méditerranée s'abaissa de près de 2000 mètres. Le Rhône éroda une partie des dépôts miocènes, creusant une vallée dans lequel il s'encaissa au fond d'un profond canyon. Au Pliocène (- 8 à - 1,8 Ma), la remontée de la Méditerranée donne naissance à un long golfe, une ria, qui s'étendait jusqu'à Lyon, avant d'être remblayée à son tour par les alluvions. . Au Villafranchien , une vaste surface d'aplanissement s'étendait ici, héritée de l'épisode climatique chaud du Pliocène. En effet, après la période chaude du Paléocène (65-53 Ma), suivie d'un refroidissement dès la fin de l'Éocène, vers 40 Ma, le Pliocène a été marqué par un nouveau réchauffement jusque vers 3 Ma (qui devait être suivi, au Pliocène terminal, à partir de 2,6 Ma environ, par l'arrivée des premières glaciations). Sous ces climats chauds, celui des zones arides, des savanes, où l'ablation chimique joue un rôle prépondérant, on observe souvent des formes originales, des glacis qui, lorsque leur surface est horizontale, prennent le nom de pédiplaines.
La surface d'aplanissement du Bas Dauphiné nous paraît être une pédiplaine, résultant de l'action de ces épisodes chauds du Pliocène. Dans le Vercors tout proche, le massif des Coulmes présente d'ailleurs actuellement un relief imputable également à ce type de climat, celui d'un karst à buttes (proche du karst à tourelles de la Rivière des Perles, mais en moins spectaculaire, il faut bien en convenir)(Jean-Jacques Delannoy dans "Vercors, histoire du relief"). À défaut de photo de ce karst, on trouvera quelques vues de la forêt des Coulmes et de la surface d'aplanissement à l'adresse suivante : http://www.geol-alp.com/h_vercors/lieux_vercors/presles.html Dans le massif de la Chartreuse, on retrouve également cette surface d'aplanissement pliocène : voir à ce sujet : http://www.geol-alp.com/chartreuse/4_relief_chartreuse/e_aplanisst.html Il ne nous semble pas exclus que les buttes qui parsément la forêt de Gènieux, au-dessus de la route du col de la Charmette, puissent avoir comme origine un semblable karst à buttes pliocène, remodelé sans doute ultérieurement par d'autres formes d'érosion. UN PEU DE TECTONIQUE Les dimensions en plan du Bas Dauphiné étaient alors peu différentes de ce qu'elles sont actuellement. La région ne montre en effet pas de failles et les rares plissements se limitent à de modestes ondulations (anticlinal de St-Lattier et synclinal de St-Marcellin. Il n'en est pas de même verticalement, car tout le Bas Dauphiné a été, vers la fin du Pliocène, l'objet d'un soulèvement important. Dans sa partie ouest, le soulèvement ne nous semble pas avoir dépassé 200 mètres, comme en fait foi l'altitude actuelle du sommet des dépôts pliocènes marins, voisine, à cet endroit, de 200 mètres. Pour la partie est, les terrains molassiques atteignent 700 mètres en bordure du plateau de Chambaran et 800 à 1000 mètres dans la région de Voiron. Schématiquement, la surface d'aplanissement se présentait donc, après le soulèvement, sous la forme d'un plan incliné vers l'Ouest. Plus à l'est encore, en Chartreuse, la surface d'aplanissement se situe à l'altitude de 1900 mètres aux Rochers de Chalves, mais cette valeur importante du soulèvement est due certainement au fonctionnement de la faille de Voreppe. |
LES GLACIATIONS QUATERNAIRES Nous voici parvenus à la frontière entre les ères tertiaire et quaternaire. On ne peut négliger le fait qu'à cette époque déjà -- 1,8 millions d'années -- plusieurs glaciations s'étaient déjà produites. Parmi les plus anciennes, l'une au moins, Biber ou Donau (ou, en utilisant les notations des stades isotopiques, un âge glaciaire très antérieur au stade 22), plus importante que le Riss, avait envoyé les glaciers du Rhône et de l'Isère loin de leur berceau de montagne, dans les plaines de piémont. Une datation précise de cette glaciation étant impossible, nous nous contenterons d'utiliser dans ce qui suit le terme Toute la région étudiée dans cette page était alors remplie de glace, les glaciers du Rhône et de l'Isère se rejoignant ici pour y mourir en un gigantesque lobe. Mais jusqu'où ce lobe s'étendait-il ? La réponse est aisée en ce qui concerne l'Est lyonnais : le lobe parvenait jusqu'à la rive droite du Rhône. En effet, si l'on ne rencontre pas sur cette rive de terrains glaciaires datés de cette époque très ancienne, on y trouve des vallums morainiques rissiens. La glaciation très ancienne, plus importante, a donc dû également parvenir jusque là. Par contre, plus au sud, en Bas Dauphiné, l'absence de dépôts ne permet pas de savoir, à elle seule, si le glacier très ancien a atteint le cours du Rhône actuel en aval de Vienne, incertitude traduite par les points d'interrogation qui figurent sur le schéma ci-dessous Nous pensons toutefois que c'est le cas et que le glacier très ancien, a bien atteint le cours du Rhône, hypothèse basée, non sur l'existence de dépôts mais sur la morphologie de la Bièvre-Valloire. Ce point de vue -- que nous demandons au lecteur d'admettre pour l'instant -- sera explicité avec plus de détails un peu plus loin. Notons cependant dès à présent que, si le glacier a atteint le cours du Rhône, il l'a fait en bout de course, sans avoir eu l'épaisseur nécessaire pour imprimer sa forme dans les terrains de la rive droite ainsi qu'il a fait plus au nord. On peut voir en effet sur la carte qui figure en tête de cette page que, face au débouché de la Bièvre-Valloire, cette rive droite ne porte pas l'empreinte du glacier, au contraire de ce que l'on peut observer plus près de Lyon. De fait, si l'on observe la portion de la rive droite du Rhône qui s'étend, au sud de Lyon, de Oullins à Grigny, on remarque l'existence, à l'ouest d'une zone encombrée de terrains morainiques rissiens, d'un chenal utilisé par les eaux que le glacier rhodanien repoussait contre la bordure du Massif Central. Ces eaux ont creusé un versant d'érosion, dont la concavité, qui épousait celle du glacier, est particulièrement bien visible sur ladite carte. Cette différence dans l'intensité de l'érosion due aux eaux qui contournaient le glacier nous paraît imputable au fait que la région de Oullins - Grigny se situe plus près du débouché des vallées alpines que celle de Saint-Rambert-d'Albon.
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