DES GLACIATIONS SI ANCIENNES
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Bien avant les glaciations du Quaternaire, la Terre a connu d’autres périodes de froid pendant lesquelles la glace recouvrait une surface plus ou moins grande du globe.
Des tillites ( moraines consolidées ) ainsi que des roches moutonnées ou striées peuvent être retrouvées sur tous les continents, les plus anciennes (en Europe et Amérique du Nord) remontant au Huronien (2,3 milliards d’années).


LA TERRE BOULE DE NEIGE


Au Protérozoïque supérieur, la Terre a subi 3 glaciations de 100 Ma échelonnées de 900 à 600 Ma au cours desquelles elle semble avoir été temporairement totalement englacée.
Cette théorie, initiée en 1998 par P.Hoffman et D.Schrag est celle de la Terre boule de neige (Snowball Earth)
Une équipe franco-américaine dirigée par Yannick Donnadieu (CNRS , Gif sur Yvette) propose une explication de ce phénoméne dans la revue Nature du 18 mars 2004.
La cause de ces glaciations résiderait dans une diminution très importante du gaz carbonique de l'atmosphère et donc de l'effet de serre bien connu, diminution due elle-même au mouvement des continents engendré par la tectonique des plaques.
Sous l'effet de points chauds volcaniques, la Rodinia, super continent qui se situait alors sous l'équateur, a commencé à se fracturer il y a 800 millions d'années.
Cette fracturation, qui devait donner naissance à l'Australie et à l'Antarctique actuelles s'est accompagnée d'énormes expansions de laves basaltiques, des trapps, dont l'érosion est grosse consommatrice de gaz carbonique.
Par ailleurs, une partie du gaz carbonique de l'atmosphère, entraîné par des pluies plus abondantes, a été piégé dans les carbonates des sédiments marins.
L'effet de serre causée par le gaz carbonique a donc diminué et la température à la surface de la Terre s'est abaissée ; les glaces sont descendues progressivement en latitude, entraînant une augmentation de l'albedo terrestre, et la température moyenne du globe est tombée jusqu'à - 40 degrés (- 20 degrés à l'équateur et - 80 degrés aux pôles, selon Yves Goddéris.
Ce sont les volcans, par le gaz carbonique qu'ils émettent - et sans doute aussi par leurs poussières qui ont modifié l'albedo - qui, ultérieurement, ont permis à notre Terre de retrouver un climat plus clément.

Des précisions intéressantes sont apportées dans le numéro de juin 2005 de La Recherche. Une nouvelle confirmation de l'hypothèse « Terre boule-de-neige » vient d'être apportée par des chercheurs de l'Université de Vienne (Autriche). La mesure des teneurs en iridium de roches d'Afrique centrale a permis de dater cet événement de 600 millions d'années et d'estimer sa durée de 3 à 12 millions d'années.
L'existence d'un fin niveau de sédiments très enrichis en iridium laisse penser que cet élément, apporté par les poussières météoritiques qui arrosent en permanence la Terre, se serait déposé sur la glace qui recouvrait les océans équatoriaux.




ET A L'ORDOVICIEN .....


Plus près de nous, on notera en particulier une ère glaciaire à l’
Ordovicien (500 à 435 millions d'années).
Le pôle Sud se trouvait alors au Sahara, où des dépôts morainiques datant de cette époque ont été découverts.

La Jordanie se situait en bordure de cet « Antarctique » et il n’est pas interdit de penser que les magnifiques vallées du Wadi Rum, au profil en auge si caractéristique, sont d’anciennes vallées glaciaires.




AM = Amérique du sud
AF = Afrique

(d'après Paris et al., 1995).
Une des vallées du Wadi Rum.

Roche = Grès ordoviciens

Au premier plan, une dune de sable actuelle.

Ce relief si particulier, avec ses vallées à fond plat et aux versants verticaux évoque tout à fait à nos yeux un modelé glaciaire.
Aucun autre agent d'érosion ( fluviale, désertique, écroulements,..... ) ne nous paraît susceptible de lui avoir donné naissance.
Une autre vallée du Wadi Rum
La similitude est grande entre ces vallées et celles de l’Antarctique actuelle, tant en ce qui concerne leurs profils en travers que leurs tracés.
Le Wadi Rum ..... ..... et l'Antarctique.


Quelques compléments d'information sont peut-être nécessaires .....

Certains pourraient s'étonner, en effet, que des formes datant de près de 500 millions d'années aient pu persister jusqu'à nos jours.

Les exemples ne manquent pas de formes d'érosion ayant traversé les ères géologiques sans grandes modifications, en dépit des déformations tectoniques.
Nous citerons seulement ici :
- le canyon sous-marin, creusé par les écoulements gravitaires dans le "slope fan" ( cône de déjection à l'avant d'une barriére récifale ), visible sur le rebord de la corniche urgonienne - donc crétacée - du Vercors, près de Tête Chevaliére
- l'érosion karstique ( lapiaz ) de l'ancienne "île briançonnaise", que l'on peut observer en de nombreux sites du Briançonnais et qui datent du Jurassique.
Dans le cas du Wadi Rum, l'ancienneté est plus grande encore, mais explicable par l'absence de toute déformation tectonique.

Pour prouver qu'une telle conservation est possible, rendons-nous au Sahara et référons nous à l'excellent ouvrage « Biographie d'un désert » de Pierre Rognon.

Le désert en question est en effet le Sahara.
Comme le montre la carte ci-dessus, celui-ci se situait, à l'Ordovicien, dans une position comparable à celle de l'actuelle Antarctique par rapport au pôle sud de l'époque.
L'inlandsis recouvrait alors 13 millions de km², soit la superficie de l'Antarctique.
Il s'étendait du sud du Sahara à la Lybie, de la Mauritanie à l'Arabie (Francis Lethiers).
Or on trouve encore actuellement au Sahara de très nombreuses formes glaciaires fossiles : stries, roches moutonnées, ombilics, verrous, drop stones, moraines, dépôts glaciaires, loess, etc.
On y rencontre également, ce qui n'est pas sans rappeler le Wadi Rum, "des vallées profondes encadrées par des versants très raides".
Ces formes glaciaires ont donc pu franchir plus de 400 millions d'années sans altération trop importante, bénéficiant d'une " exceptionnelle conservation ", même en ce qui concerne les plus fragiles d'entre elles, les stries.
La fonte de la calotte glaciaire à la fin de l'Ordovicien a restitué aux océans des volumes d'eau considérables. Comme lors des glaciations plus récentes, cette fonte massive a entraîné une forte remontée du niveau marin et le Sahara a été progressivement envahi par la mer du Silurien.
Puis, du Dévonien au Quaternaire, il a été soumis à des alternances d'émersion et d'immersion, de climats humides et de climats secs.
Mais revenons au Wadi Rum.
Ici également, la mer silurienne a recouvert les grès Ordovicien, qui sont restés immergés, sous une faible épaisseur d'eau, jusqu'au début du Tertiaire.
Ils se trouvaient, en quelque sorte, dans un site protégé.
L'émersion qui a suivi a permis le décapage des faibles dépôts de recouvrement, mettant à jour ce que nous considérons comme un relief glaciaire. Plus encore qu'au Sahara, la conservation des formes fossiles remontant à l'Ordovicien avait été rendue possible par l'absence de déformations tectoniques.


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